Améliorer le microbiote intestinal des nourrissons nés par césarienne non allaités grâce à L. fermentum
L’influence humaine sur la biosphère, du fait des besoins alimentaires croissants, de l’usage intensif des antibiotiques, du réchauffement climatique… est à l’origine d’une dysbiose globale. La santé des Hommes et le système naturel terrestre sont interdépendants, l’équilibre avec l’environnement est essentiel. Les microbiotes bactériens qui colonisent le corps humain et remplissent des fonctions importantes constituent des écosystèmes complexes dont l’équilibre est en mouvement constant selon les conditions locales et environnementales.
Influence du mode de naissance et de l’alimentation sur le microbiote intestinal
L’alimentation du nouveau-né, le régime alimentaire, les stress (physique, métabolique et psychologique), les traitements, le lieu de vie géographique, les étapes du cycle de la vie sont autant de facteurs influençant le microbiote intestinal (1).Le Dr G. Reid a été le premier à montrer une modification du microbiote du nourrisson né par césarienne (CS) par rapport à une naissance par voie basse. En particulier, le remplacement des lactobacillus provenant de la flore vaginale maternelle par d’autres micro-organismes, pathogènes pour certains, le rend moins favorable. L’administration d’antibiotiques pendant la naissance, le mode d’alimentation (lait maternel ou formule infantile), l’âge maternel et d’éventuelles pathologies interviennent également dans cette dysbiose en cas de CS. L’établissement anormal du microbiote lors de la naissance, du fait de l’absence de « baptême » bactérien, peut rendre ultérieurement ces nouveau-nés plus vulnérables.
Selon des données récentes, cinq pays ont un taux de CS supérieur à celui des naissances par voie basse : République Dominicaine (58.1 % des naissances), Brésil (55.5 %), Egypte (55.5 %), Turquie (53.1 %), Venezuela (52.4 %). En 2013, parmi les pays de l’OCDE qui pratiquaient le plus de césariennes figuraient la Turquie (50.4 %), le Mexique (45.2 %), l’Italie (36.1 %), alors qu’elles représentaient 32.5 % des naissances aux USA et 20.8 % en France. La tendance mondiale est par ailleurs à l’augmentation des naissances par CS, particulièrement dans les pays en voie de développement.
La césarienne (CS), en perturbant le processus naturel de colonisation du microbiote des nourrissons, compromettrait la maturation du système immunitaire, et entraînerait un risque accru d'infections.
Le mode d’alimentation pourrait contribuer à la restauration d’un microbiote intestinal sain. L’allaitement maternel exclusif est le meilleur mode d’alimentation du nourrisson, le lait maternel apportant les nutriments et les anticorps nécessaires à la croissance de l’enfant et à sa protection contre les diarrhées et les infections respiratoires.L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de débuter l’allaitement dans l’heure qui suit la naissance, de favoriser un allaitement maternel exclusif pendant les 6 premiers mois de vie, et de le poursuivre, en complément d’une diversification alimentaire, jusqu’à l’âge de 2 ans voire au-delà en fonction du souhait des mères. Jusqu’en 2003, le lait maternel était considéré comme un liquide stérile. Depuis, plusieurs études ont attesté la présence physiologique de bactéries dans le lait de la mère, qui ensemencent le microbiote précoce de l’enfant.
Dans le cas où l’allaitement exclusif n’est pas possible, les formules infantiles peuvent apporter le support du développement précoce du microbiote intestinal. Parmi les nombreuses espèces détectées, Lactobacillus fermentum (désormais nommé Limosilactobacillus (L.) fermentum) a été choisi comme complément probiotique à des préparations infantiles car il est présent dans le lait maternel, également détecté dans le microbiote des enfants, il est stable dans une formule infantile et plusieurs études ont démontré sa sécurité et sa tolérance. (2) Ainsi, le laboratoire HiPP, entreprise familiale spécialisée en nutrition infantile depuis la fin du 19ème siècle, utilise la souche de probiotique L. fermentum CECT5716 en plusd’un prébiotique (GOS) dans sa gamme de laits 1er âge, de laits de suite (à partir de 6 mois) et de croissance (entre 10 mois et 3 ans) « HiPP COMBIOTIC® ».
Bénéfices de l'administration de L. fermentum chez les nourrissons nés par césarienne : résultats post-hoc
Lors d’un symposium qui s’est tenu en juin dernier pendant le 54ème congrès annuel ESPGHAN (European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition) à Copenhague, des résultats concernant les effets d’une préparation infantile contenant L. fermentum CECT5716 sur le microbiote et les paramètres cliniques d’enfants nés par CS ont été présentés.
Ainsi, une équipe a constitué post-hoc des sous-groupes de nourrissons nés par CS dans trois essais cliniques randomisés qui avaient précédemment montré la sécurité et l’efficacité de cette souche probiotique pour prévenir les infections des nouveau-nés en bonne santé. En groupant les résultats, l’administration de L. fermentum CECT5716 permettait une réduction de 46 % des infections gastro-intestinales (GI), indépendamment du mode de naissance, en comparaison avec des nourrissons recevant un lait infantile témoin sans probiotique. En l’absence d’étude randomisée ayant spécifiquement inclus des enfants nés par CS, l’objet de ce nouveau travail a été d’extraire les données des nourrissons CS de ces 3 études, respectivement 44 %, 43 % et 31 % des enfants inclus, et d’évaluer l'effet de ce probiotique sur l'incidence des infections GI et respiratoires dans ce sous-groupe (3). Les rapports des taux d'incidence (RTI) et l'IC à 95 % pour les infections pour chaque étude ont été combinés pour obtenir un RTI groupé et un IC à 95 % (méthode de variance inverse générique).
L’analyse des résultats montre une réduction significative de 73 % de l'incidence des infections GI chez les nourrissons nés par CS recevant L. fermentum CECT5716 par rapport à ceux recevant la formule témoin (n=173, IRR : 0,27 (0,13, 0,53), p=0,0002). Bien que les résultats combinés aient montré une réduction de 14 % des infections respiratoires dans le groupe probiotique, la différence n'était pas statistiquement significative (n = 173, TRI (IC à 95 %) : 0,86 (0,67 ; 1,11), p=0,25).
Effets d'une préparation symbiotique chez des nourrissons nés par césarienne : données préliminaires d'un essai randomisé en cours.
Une interaction entre le microbiote intestinal, les cellules épithéliales et les cellules immunitaires des muqueuses de l’intestin se produit afin d’établir l’homéostasie hôte-microbiote après la naissance. (4) De nombreux facteurs extérieurs interviennent pour le bon développement de ce microbiote, en particulier le mode d’alimentation. L’essai randomisé GOLF-III étudie l’effet d’une préparation infantile supplémentée avec le probiotique L. fermentum CECT5716 sur la survenue d’infections respiratoire et GI chez des enfants en bonne santé. Il s’intéresse également au sous-groupe des enfants nés par césarienne.Trois groupes ont été constitués pour la période d’intervention de 1 à 12 mois : 79 enfants allaités exclusivement, 230 enfants prenant la préparation avec symbiotiques (GOS + L. fermentum CECT5716), 230 enfants alimentés avec une formule témoin sans symbiotique. Après la période d’intervention, le suivi sera prolongé jusqu’à l’âge de 36 mois.
Les résultats préliminaires de la période d’intervention (i.e. les 12 premiers mois) sont déjà disponibles en ligne. A 4 mois, l’analyse des selles des enfants du groupe préparation avec symbiotiques montre un effet bénéfique avec une augmentation des bifidobacteria et des lactobacilli ainsi que de la teneur en eau fécale et un pH plus bas. De plus, l’adjonction de symbiotiques permet de s’approcher de la composition du microbiote des enfants exclusivement allaités, en comparaison avec la formule témoin, avec un effet qui semble spécifique aux enfants nés par césarienne, qui pourrait être en rapport avec une « vacance » du microbiote des enfants nés par cette voie. Les premiers résultats cliniques sont en faveur d’une diminution des infections respiratoires dans le groupe symbiotique. D’autres résultats sont à venir !
Journal International de Médecine (Dr Isabelle Méresse). Symposium HiPP lors du 54ème congrès annuel ESPGHAN (European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition), 22-25 juin 2022, Copenhague.
(1) Laforest-Lapointe I, Arrieta MC. Patterns of Early-Life Gut Microbial Colonization during Human Immune Development: An Ecological Perspective. Front Immunol. 2017 Jul 10;8:788. doi:10.3389/fimmu.2017.00788. PMID: 28740492; PMCID: PMC5502328. (2) Maldonado J et coll. Evaluation of the safety, tolerance and efficacy of 1-year consumption of infant formula supplemented with Lactobacillus fermentum CECT5716 Lc40 or Bifidobacterium breve CECT7263: a randomized controlled trial. BMC Pediatr. 2019 Oct 21;19(1):361. doi: 10.1186/s12887-019-1753-7 (3) Blanco-Rojo R, Maldonado J, Schaubeck M, et al. Beneficial Effects of Limosilactobacillus fermentum CECT 5716 Administration to Infants Delivered by Cesarean Section. Front Pediatr. 2022 Jul 7;10:906924. doi: 10.3389/fped.2022.906924. PMID: 35874592; PMCID: PMC9301023. (4) Hornef MW, Torow N. 'Layered immunity' and the 'neonatal window of opportunity' - timed succession of non-redundant phases to establish mucosal host-microbial homeostasis after birth. Immunology. 2020 Jan;159(1):15-25. doi: 10.1111/imm.13149. Epub 2019 Nov 27. PMID: 31777069; PMCID: PMC6904599.